TocCyclopédie ■ Époques
Récemment, en convention, j'ai eu le déplaisir de rater une scène d'action. Encore une fois. Malgré dix ans de jeu et une certaine réputation dans mon domaine (les jeux d'horreur, principalement) je n'ai pas réussi à garder mes joueurs dans l'ambiance et à leur faire ressentir les émotions qui traversaient leurs personnages, au moment où leur pire ennemi leur mettait enfin la main dessus, arme au poing.

Et là, en réfléchissant, j'ai réalisé que je n'aimais pas gérer les combats en JDR, quoi qu'il arrive. Parce que oui, je ne vois rien de plus pénible que de voir la scène où mes Investigateurs ont passé leur temps à avoir des sueurs froides en sachant pertinemment que quelque chose les observait se changer en suite de jets de dés. Santé Mentale, Esquive, Tir, Corps à Corps, Constitution… C’est long, ça casse le rythme et même si le système reste léthal (ce qui reste une des raisons pour lesquelles j’aime l’AdC à ce point) ça ne participe pas plus que ça à l’ambiance.

Et pourtant, le combat pourrait être quelque chose de marquant à l’AdC! C’est le moment où les Investigateurs se rapprochent le plus de la Faucheuse, où ils peuvent tout perdre en une seconde et où chaque décision prend une importance vitale. C’est aussi un moment de chaos, où il est presque impossible de se concerter et où chacun agit selon ce qui lui dictent ses tripes.

Or, dans la réalité, il m’est plus d’une fois arrivé de voir mes joueurs passer de longues minutes à parler stratégie en plein cœur de l’affrontement, et se répartir les tâches en grignotant des chips. Encore une fois, cela ne correspondait pas à mes attentes.

J’ai donc commencé à bricoler dans mon coin, afin d’arriver à un système qui parvienne à rendre le coté implacable et chaotique des combats. Et finalement, je suis parvenu à quelque chose qui, je pense, pourrait convenir.

Le Système « 10 Secondes »

(ou « Blitzkrieg » pour les intimes)

Principe de base :
Réduire au minimum le temps que les joueurs ont pour agir, le ramenant presque au niveau d’un round de combat « en jeu » (entre 6 et 10 secondes).

Chaque combat se déroule de la manière suivante :
1) On détermine les initiatives en fonction de la DEX (=Dextérité) des Investigateurs/des ennemis. Généralement un « groupe » d’ennemis aura la même DEX, afin de tous les faire agir en même temps. En cas d’égalité entre Investigateurs, les deux agissent en même temps (ils peuvent partager leur temps de parole, ou vous pouvez faire passer en premier celui qui prend la parole en premier à son tour).
2) Le MJ fait un rapide descriptif de l’emplacement où aura lieu le combat. Pas besoin de tout préciser, donner juste quelques éléments suffira.
3) On commence le combat par le tour du premier joueur. Il a dix secondes maximum pour donner son action (secondes comptées par le MJ, à voix haute ou dans sa tête). S’il dépasse, c’est que son personnage, perdu, ne prend pas d’initiative et adopte donc une action « réflexe ».
4) On résout l’action en faisant les jets nécessaires. Encore une fois, le joueur a un temps limité pour faire les jets et lire les résultats (de nouveau une dizaine de secondes). S’il prend plus de temps, le jet est un échec et on passe à la suite. De même, si les dés tombent par terre c’est un échec (ça lui apprendra à viser la table).
5) Le MJ décrit les effets de l’action, puis on fait d’éventuels jets de dommage ou autre.
6) On passe au joueur suivant, et on continue jusqu’à la fin du round, puis on remet ça à partir de l’étape 3 jusqu’à ce que le combat soit achevé.

Les actions réflexe :
Elles sont au nombre de trois, et sont pensées pour représenter ce que ferait quelqu’un perdu en plein champ de bataille, ne sachant pas quoi faire. Quand un joueur ne parvient pas à prendre une décision, c’est parmi elles que le Gardien des Arcanes choisit la façon dont il agit.
Les actions réflexes sont « Fuir », « Se Planquer » ou « Se défendre ». Les deux premières sont les plus courantes, tandis que la troisième s’applique si le personnage n’a pas moyen de faire autrement.

Fuir : Le personnage tente de rompre le combat, abandonnant d’éventuels compagnons. Cette action ne devrait être choisie que face à un adversaire monstrueux, en surnombre ou dans un cas où la victoire semble impossible. De plus, elle n’est possible que s’il existe une route permettant de quitter les lieux sans prendre de risque.

Se planquer : Le personnage cherche une cachette, ou au moins un endroit où se mettre à couvert. Il ne cherchera pas à attaquer ou à agir de quelque façon que ce soit : il veut juste s’assurer de sa sécurité.

Se défendre : Si le personnage ne peut ni se cacher ni s’enfuir, il cherchera juste à se protéger jusqu’à trouver une autre option. Le personnage reste attentif à toute attaque qui pourrait le viser, et fera son possible pour sauver sa peau.

Jouer sur l’environnement :
Un combat n’est jamais aussi dynamique que quand les personnages jouent avec leur environnement. Que serait une bagarre dans un bar sans l’obligatoire bouteille fracassée sur le crâne, ou la chaise jetée dans les pieds de l’adversaire ? Petit problème : on pourrait objecter que ce système, en empêchant les descriptions poussées de l’environnement de combat, empêche les Investigateurs de se reposer dessus. Sauf que...
Un Investigateur, à son tour d’action, peut choisir de ne pas agir et d’observer autour de lui. A ce moment, le MJ prend quelques instants pour lui décrire ce qui se trouve à porté de main, et le renseigner sur un éventuel objet qu’il rechercherait.

Exemple :
La soirée au Blue Heaven s'annonçait bien pour les Investigateurs, mais tout dérape quand plusieurs membres du gang d'O'Malley débarquent, décidés à faire payer aux PJ un sale coup qu'ils leur ont fait. Alors que ses comparses commencent à ouvrir le feu, Darrell Simmons, n'ayant pas d'armes, décide d'observer autour de lui.
Il connaît le Blue Heaven, qui a été décrit par le Gardien, mais recherche un moyen de fuir ou de se rendre utile dans le combat. Le Gardien prends alors le temps de lui parler des différentes portes de l'endroit, ainsi que du lourd lustre de cristal qui pend au centre de la salle, juste au dessus des gangsters... et dont l'attache principale est derrière le bar.

Darrell sait désormais quoi faire au prochain tour!


De plus, il est également possible que les joueurs improvisent avec le décor. Considérant qu’un objet doit forcément se trouver là, ils peuvent tenter de s’en servir dans le cadre de leur action. C’est au Gardien d’estimer, à ce moment-là, à quel point la présence de l’objet est probable. S’il estime que c’est totalement logique, alors l’objet pourra être utilisé (un verre de bière sur une table de bar, par exemple). En revanche, si l’objet a peu de chances d’être là ou qu’il change l’équilibre de la scène (un revolver tombé à même le sol pendant l’affrontement, un fusil sous le bar…) le MJ est libre de demander une test de Chance pour l’obtenir. Pour les éléments les plus extrêmes, une réussite majeure peut même être demandée.
Demandez-vous vraiment si l’objet change radicalement la donne dans la scène : si ce n’est pas le cas et qu’il est logique qu’il traîne dans le cas, laissez l’Investigateur l’utiliser. Cela permettra d’ancrer le combat dans son décor. A noter que le Gardien peut toujours dire « Non, tu ne trouves pas ça » en cas d’abus (vous savez, le petit malin qui tente de vous sortir une gatling de derrière la table ?).

Exemple :
Larry Cunningham, jeté au sol par un gangster gigantesque, cherche à l'aveugle quelque chose pour frapper le colosse qui le paralyse et commence à l'étrangler. Le joueur dit qu'il prend le premier truc qui lui tombe sous la main, et le Gardien lui demande un jet de chance. Larry, doté d'une Chance de 30, fait un 04! Réussite extrême! Il tombe par miracle sur un bout de bois pointu avec lequel il pourra éventuellement planter son agresseur s'il réussit son test de Corps à Corps!


Règles spéciales pour L’Appel de Cthulhu (V7) :
Bien que pouvant potentiellement être exploité pour d’autres jeux, ce système a été pensé pour Cthulhu, en particulier pour la V7. De ce fait, les mécaniques suivantes sont pensées pour ce jeu en particulier :
-Un personnage qui subit une attaque peut toujours choisir de « rendre les coups » ou d’esquiver, selon ce qu’il préfère.
-Un dé bonus est toujours attribué à quiconque attaque une cible qui s’est déjà défendue a ce tour-ci, mais la cible peut de nouveau rendre les coups ou esquiver.
-Il serait bon que le Gardien garde sous les yeux une liste rapide des éléments pouvant apporter des dés bonus/dés malus, pour pouvoir les attribuer plus rapidement.
-Une arme à feu prête à tirer fournit un bonus de 50 à l’Initiative d’un personnage. Ce bonus ne s’applique que s’il peut l’utiliser, et disparaît quand l’arme est vide. Après tout, « don’t bring a knife to a gunfight ».
-Les Manœuvres se règlent selon les règles habituelles, et ne sont en rien affectées par ce système.

Avantages :
-Dans le feu de l’action, les Investigateurs ne peuvent plus discuter stratégie. Cela donne une vraie valeur à la planification stratégique avant le combat, et rend les embuscades et attaques surprises particulièrement déstabilisantes et dévastatrices.
-Le rythme de jeu, sur les tests, était aussi soutenu que prévu, et les combats gagnaient vraiment en dynamisme. Reste à voir à quel point cela fonctionnera lors d’une vraie partie, avec des personnages de campagne (plus précieux que les pré-tirés utilisés pendant les tests).
-Tous les joueurs, quel que soit leur niveau, semblent avoir apprécié le système. Il semble que débutants comme joueurs confirmés sachent se débrouiller, quoique les vétérans aient plus tendance à faire des actions originales.
-Du fait du système de jeu de l’Appel de Cthulhu, les joueurs se sentent en danger de mort en permanence. Le fait ne pas avoir le temps de réfléchir et de se retrouver dans une situation de stress augmente cette sensation, les mettant réellement sous tension. Cette impression reste à confirmer, mais je suppose qu’après une scène d’action en campagne certains joueurs pourraient bien avoir besoin de reprendre leur souffle… comme leurs personnages. Immersion renforcée, donc !

Inconvénients :
-Soyons honnête, le fait d’être sous pression n’incite pas à décrire son action en détail. On tombe facilement dans le coté « Je tape » (et encore plus facilement dans le coté « Je lui tire dessus ! »). C’est au MJ, dans ce cas, de prendre le temps de décrire ce qui se passe.
-Une scène de combat est désormais une véritable épreuve de force pour le MJ, qui doit être capable d’improviser à toute vitesse. Pas dit que ce soit évident pour tout le monde.
-Il est nécessaire, pour le MJ, de bien maîtriser le système de combat. Cependant, il n'est pas le seul: le système fonctionne encore mieux quand chacun des PJ sait exactement comment calculer ses dégâts/quels jets lancer.
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consensus
■ Aziraphale 09/10/2017
idem, de façon moins formelle, j'ai toujours eu tendance à pousser le joueur à répondre sans trop lui donner de temps sous peine de voir son tour passer. mais j'aime bien l'idée des actions réflexes. j'y a jouterai bien un "tu tires sans vraiment viser"

dans le genre accélération des combats j'ai déjà aussi testé le "pnj en un coup" qui si je me souviens bien est une idée venue de trail of cthulhu : les adversaires sont très très nombreux mais un dégât d'un minimum de x points les mets hors d'état. Idéal pour gérer les exfiltrations de persos d'un temple blindé d'ennemis … mais gare à celui qui n'arrive pas au minimum de point ou qui rate : retardé dans sa course il se retrouve submergé d'assaillants
A tester
■ Shubnigurarf 13/06/2017
Merci Shindranel, j'aime beaucoup l'idée de mettre les joueurs sous pression, avec la possibilité de choisir j'observe.
Moi qui suis très attaché à la musique, je compte bien trouver une vraie musique de baston, un peu stressante sans tomber dans la pollution sonore.
J'ai bien ri avec le coup du paquet de chips et de la discussion stratégie, du vécu en effet !
Synchronicité
■ Dweller on the Threshold 20/03/2017
Amusant car j'échangeais hier soir à Montpellier avec un Mj en train de plancher sur son système de jeu maison en suggérant de cesser une approche round par round du combat pour une approche plus "montage cinema" .
Elle permettrait de gérer peut être un combat avec quelques jets de dés correspondant aux divers "moments" du combat.
De leur interprétation dépendra la narration qui en sera faite...
The Sprawl recèle quelques bonnes idées sur ce point...
De très bonnes idées
■ Androfiel 16/03/2017
Comme Desparite, j'utilisais déjà un système de compte à rebours, mais moins formalisé ; dès que je sentais l'embarras ou l'hésitation s'installer, je décomptais à voix haute ou avec la main à partir de 3. Ceci dit, l'idée des actions réflexes permet d'éviter le "Bon, bah tu ne fais rien, à toi maintenant".

Je vais essayer d'appliquer ces actions réflexes, et garder les 10 secondes pour les scènes très tendues. J'ai peur que l'aspect descriptif de la baston ne se perde de trop, mais ça peut carrément coller dans les mélées brouillons où les PJ se perdent dans l'action...
Sur la bonne voie !
■ Desparite 16/03/2017
Je n'étais donc pas seul !
Oui, je trouve aussi que les combats cassent le rythme d'une partie de l'ADC si on les mène de manière traditionnelle.
Le coup de la pression en 10 secs est efficace (perso, j'attends quelques secondes puis j'annonce le décompte de "3, 2, 1" avant de passer au joueur suivant (l'investigateur au joueur indécis est distrait et ne fait rien ce round).
Je retiens le coup du dé qui tombe par terre, très bon (et sadique) !

Je me demande s'il ne faudrait pas tester qqch d'encore plus expéditif avec juste deux-trois jets de dé pour chaque protagoniste / combat tout en laissant la place à la description, la vivacité d'esprit et le prise de risques.

C'était vaguement l'idée de "Pulp-fight", un système de combats fait maison mais jamais terminé. une idée à base de gobelets, de jets de dé en aveugle et d'annonces... Faut que j'y re-réfléchisse...

Merci en tout cas pour toutes tes bonnes idées !
@
■ faboo 25/04/2017
Très bonnes idées ! Moi aussi j'essaye d'élaborer un système de combat plus fluide pour l'AdC. J'en arrive à peu près à la même réflexion que toi : limiter le temps de réflexion n'a que des avantages : ça leur met la pression, ça évite les stratégies "hors du temps", et au final ça renforce l'immersion de tous : tout le monde est attentif de façon à savoir quoi faire quand son tour arrivera (et il arrivera vite !).

Je réfléchis à modifier le système parer/esquiver/rendre les coups, que je trouve mal foutu : déclarer une esquive avant d'être attaqué est complètement idiot, et rendre les coups en v7 me semble alourdir et allonger le combat inutilement. C'est aussi plus chaud à gérer pour le MJ, car il faut tout garder en mémoire !

Comme pour l'esquive, je ne vois pas l'intérêt de déclarer 2 actions par round. Je pense que le but est d'introduire de la stratégie, mais (selon moi) c'est en contradiction avec l'esprit d'un jeu d'ambiance.

Je pense effectivement que si on simplifie les règles, il faut enrichir le combat comme tu le dis avec les éléments du décor, se mettre à couvert, éteindre la lumière, voire... fuir ! Mais comme tous les joueurs ne sont pas habitués à ce mode de combat, je pense qu'il faut montrer l'exemple en faisant faire aux PNJ (amis ou ennemis) de telles actions, et encourager les idées inventives (ou même simplement les bonnes descriptions d'actions) par des bonus aux jets de dés. C'est beaucoup plus gratifiant pour le joueur d'avoir vaincu l'adversaire grâce à une bonne idée, plutôt que par des caracs boostées à 90% (et ceux qui aiment ça peuvent toujours le faire !)
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